Nanga Boko Records sort "Njitna !" du chanteur camerounais Ometh

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Nanga Boko Records sort "Njitna !" du chanteur camerounais Ometh

Salut Armand ! Pourrais-tu te présenter en quelques mots et présenter tes différents projets/site dont ton label Nanga Boko Records ? 
Salut, et salut à toute l’équipe d’Exit Stamp !

Tout d’abord, un immense merci de ton soutien et intérêt à mes projets ! Comme je dis toujours, c’est important de se soutenir mutuellement dans nos projets, quels qu’ils soient, ce monde a parfois besoin de plus e bienveillance et d’entraide !

Moi c’est Armand de Preseau, collectionneur de disques, patron de label de rééditions et DJ.  Je collectionne des disques depuis plus de 25 ans maintenant. Avec le temps, je me suis spécialisé dans les musiques provenant d'Afrique, des Antilles, d'Asie, du Maghreb, du Moyen-Orient et de l'Océan Indien des années 50 à 90, qu’on appelle de façon assez simpliste « Musiques du Monde ». Je dirige également les labels de réédition "Nanga Boko Records" & "Nubiphone", que j’ai fondés en 2016, et sur lesquels j'ai ressorti à ce jour 6 disques aux accents Afro Jazz, Funk, Folk et Disco, initialement enregistrés dans les années 1970 et 1980.

A ce sujet, je viens de sortir à l’occasion de la fête de la musique du 21 juin dernier « Njitna ! », ma nouvelle et 6ème réédition au format vinyl et digital, compilation regroupant 9 titres psychédéliques Afro Soul, Funk, Soukous et Reggae du compositeur et musicien Camerounais Ometh (Théodore Mounta), enregistrés au Bénin entre 1979 et 1980. 
A noter que je travaille de façon éthique, 50 % des bénéfices étant reversés à l’artiste.

J’ai également fondé en 2010 le site internet www.africangrooves.fr où je partage deux fois par semaine des découvertes musicales tirés de mes disques, K7, bandes ou CD, en parallèle de ma chaîne YouTube « African Grooves ».

 

J'ai passé une bonne partie de mon enfance à l’étranger : 12 ans partagés entre le Cameroun et Madagascar principalement. Concernant mon parcours musical, j’ai commencé à collectionner les disques assez jeune, vers l’âge de 12 ans. J’ai commencé par m’intéresser aux disques de Techno et House de Detroit et Chicago (les mythiques labels Trax Records et Dance Mania !), pour ensuite partir à la découverte des classiques US Soul / Disco / Funk que samplaient ces titres Techno/House (amour éternel pour la musique de Philadelphie et les disques du label Salsoul !). Je suis ensuite descendu du côté des Bahamas, attiré par les reprises hybrides Reggae / Disco de ces classiques US. Là, j’ai dérivé vers la musique des Antilles françaises voisines, pour finalement rayonner dans le monde entier, et partir à la découverte des grooves africains, moyen-orientaux, indo-océaniques et asiatiques.

En effet, à mesure que se construisait de façon logique ma culture musicale, j’ai pris conscience de ce qui me plaisait vraiment dans ces musiques, leur dénominateur commun : la notion de mélange et d’influences, celles-ci empruntant à la fois dans les racines lointaines culturelles des pays, que dans des influences plus récentes.

Je reste proche de mes racines musicales, et aujourd'hui encore, j'aime autant les classiques de la Detroit Techno que les morceaux traditionnels malgaches... Cela dépend de mon humeur du moment !

Conscient depuis longtemps de l’importance de préserver les pans culturels que représentent ces musiques, bien trop souvent oubliées aujourd’hui puisque pas nécessairement transférées en K7, CD ou numérique, je voyage également depuis plusieurs années à la recherche de collections de disques, dans une logique de sauvegarde (arrivé parfois trop tard, j’en ai vu énormément être détruites et jetées aux ordures), préservation, et remise en lumière. Aussi, toujours curieux et désireux de préserver les héritages et témoignages du passé, je recherche les artistes sur place, que ce soit pour leur proposer de travailler ensemble sur des projets de ré édition ou, tout simplement, les interviewer afin d'en savoir plus sur leur passé. Je cherche également à recueillir leurs témoignages et histoires, afin que le public les redécouvre, car beaucoup vivent aujourd'hui des vies désastreuses et sont oubliés même dans leur propre pays.

En ce qui concerne mon site internet "African Grooves", comme indiqué plus haut, je crois au partage. Ayant commencé ma collection assez jeune, et celle-ci s'agrandissant au fil du temps, je me suis rapidement dit qu'il était dommage de stocker tous ces trésors sans pouvoir en profiter avec les gens, qu’il fallait en faire quelque chose !

Aussi, d’un naturel moi-même curieux, je me suis dit que cela pouvait forcément intéresser d’autres personnes.

C'est ainsi que j'ai initialement eu l'idée de créer le blog "African Grooves" en juin 2010, ce qui m'a enfin donné l'opportunité de partager une partie de ma collection en ligne, du Moyen-Orient aux Antilles en passant par l'Afrique. Je me concentre sur les morceaux difficiles à trouver, qui peuvent être difficiles d'accès à l'ère du "tout numérique", car il s'agit souvent de petits pressages locaux...

Animé par l'envie de partager avec plus de monde, et ayant atteint un plafond de verre techniquement sur la plateforme Blogspot, j'ai par la suite créé le site www.africangrooves.fr en janvier 2017 (récemment updaté en véritable cartographie numérique musicale), sur lequel je partage tous les mercredis et dimanches des morceaux rares de ma collection ainsi que des sélections thématiques, en parallèle d’une chaîne Youtube associée (African Grooves), mon compte Soundcloud (https://soundcloud.com/armand_de_preseau ), et mes réseaux sociaux Facebook et Instagram (@armand_de_preseau).

Aussi, toujours dans cette démarche de partage, je ne manque jamais une occasion de jouer des disques pour des événements, conférences, spectacles et DJ Set, toujours avec grand plaisir !

Je précise ici que les disques ne sont pas du tout mon activité principale, une passion que je fais à côté, le soir et le week-end, conjointement aux activités personnelles et familiales.

 

Tu anime aussi une émission de radio sur Rinse.fr avec beaucoup de morceaux assez pointus. Peux-tu nous en dire plus sur cette émission ?
J’anime l’émission « Diggers Of The Lost Ark » sur Rinse France depuis maintenant 3 ans (la dernière émission de cette saison est en préparation). J’en profite pour remercier ici à nouveau au passage toute l’équipe de Rinse France pour leur confiance.

Le principe de l’émission, dont le titre est un clin d’œil au 1er volet des aventures d’Indiana Jones (« Les Aventuriers de l’Arche Perdue » ou « Raiders Of The Lost Ark » dans sa version originale), est d’embarquer les auditeurs dans un voyage musical de 2h tous les 3èmes dimanches du mois à travers le continent Africain, les Antilles, le Maghreb et le Moyen-Orient au moyen de pépites plus ou moins obscures. Et intégralement en vinyle évidemment ! 

En somme, l’idée est de proposer des alternatives à ce que l’on peut entendre sur les radios plus mainstream, toujours en cohérence avec ma ligne de conduite de préservation, remise en lumière et partage !
J’uploade ensuite les émissions en replay sur mon compte Soundcloud (https://www.soundcloud.com/armand_de_preseau ).

 

Tu as sorti le 21 Juin dernier une réédition du disque « Njitna ! » de l’artiste Camerounais Ometh. Comment définirai-tu le style musical de cet artiste, les influences et les langues chantées ?

Contrairement à d’autres albums Camerounais de cette époque enregistrés ou localement, ou en Côte d’Ivoire (car grosse diaspora artistique Camerounaise dans ce pays dès les années 70) ou en France, la compilation que je propose est issue (hormis 2 titres exclusifs) de l’unique album au format 33 tours et du seul 45 tours de l’artiste, tous deux enregistrés et pressés au Bénin à la fin des années 70 aux côtés du mythique orchestre Béninois Black Santiago mené par l’illustre compositeur et musicien Ignace de Souza (et d’autres musiciens Camerounais et Ivoiriens).

En effet, Ometh ayant fait le choix de quitter son Cameroun d’origine pour le Bénin au début de sa carrière en 1979, attiré par le vivier musical de cette époque8 et désireux de franchir un plafond de verre artistique, n’a jamais enregistré dans son pays natal, mais toujours en Afrique de l’Ouest.

Ce contexte artistique de l’album, qui puise dans une diversité musicale et géographique au large spectre, peut expliquer le fait que celui-ci se démarque musicalement des albums Camerounais que l’on a l’habitude d’écouter, qui puisent leurs influences et racines plutôt du côté de genres plus « traditionnels » du pays, à l’instar du Bikutsi (propre à la région Centre du pays, vers la capitale administrative Yaoundé) ou le Makossa (propre à la région Côtière du pays, vers la capitale économique Douala). 

L’artiste n’oublie cependant pas ses racines, la majorité des titres étant chantés en langue Bamoun, langue vernaculaire de la région Ouest du pays dont est originaire Ometh.

Également, il faut savoir qu’Ometh a été influencé très jeune par les grandes figures musicales Soul en vogue dans les années 60 en Europe ou en Amérique, à l’instar du crooner Otis Redding pour ne citer que lui (dont il reprend les titres sur scène encore aujourd’hui !).

Le tout apporte au disque une cohérence et lui donne une saveur très Soul, Funk, Soukous et Reggae. Sans oublier quelques accents psychédéliques amenés par les synthés endiablés célèbre organiste Camerounais Dieudonné Tsanga !

 

Il y a d’ailleurs une biographie très complète à l’intérieur du vinyle avec de belles photos d’époque et il faut aussi féliciter la mise en page et le graphisme de cette sortie. Qu’elle a été l’écho de cet album lors de sa première sortie en 1980 ? Ce disque a-t-il traversé quelques frontières ?
Merci, ravi que cela te plaise ! En effet, lorsque je décide de rééditer un disque, une des conditions sine qua non à ma démarche est de toujours intégrer une biographie et des photos et documents inédits, qui sont des clefs de compréhension de la démarche de l’auteur, et le contexte culturel et artistique de l’époque ! Je ne pourrais pas éditer un disque sans y intégrer ces éléments.

A ce propos, il faut savoir que - outre le pressage des disques bien entendu - je fais presque tout moi-même dans le processus de ré édition :
-          La démarche d’enquêter pour retrouver les artistes (parfois un vrai jeu de piste !) pour leur exposer mes projets et, si intéressés, les signer ;

-          Le design des pochettes et éléments graphiques liés aux disques ;

-          La rédaction des biographies des artistes en français et anglais au moyen d’échanges et interviews avec ceux-ci ;

-          Les aller-retours d’avis avec l’ingénieur du son qui numérise et corrige les défauts des disques d’origine (tout en respectant mon crédo de rester le plus fidèle possible à l’original) ;

-          L’ensemble des aspects liés à la communication autour de mes labels et projets sur les réseaux sociaux ;

-          La comptabilité et gestion du compte Bandcamp ;

-          La promotion autour des projets, et échanges courriels avec mon distributeur et les boutiques partenaires ;

-          L’envoi des disques aux particuliers et boutiques qui ne passent pas par mon distributeur.

Pour ce qui est de l’écho autour de cet album à sa sortie en 1980, celui-ci a permis à la notoriété de l’artiste d’exploser, le faisant ainsi connaître au Bénin, mais aussi en Côte d’Ivoire, au Nigéria et au Togo voisin, au point qu’il continue encore aujourd’hui de se produire avec succès dans les cabarets et clubs les plus en vogue des capitales de ces pays, capable de jouer sur beaucoup de registres : Soul, Jazz, Gospel…

 

Comment as-tu découvert cet artiste et cet album en particulier et comment s’est passé le cheminement de la réédition, à partir de la découverte jusqu’à sa sortie ? Est-ce une tâche complexe ?
Ayant une assez bonne connaissance du vivier artistique Camerounais pour y avoir vécu plusieurs années, et y être allé à de très nombreuses reprises à la recherche d’artistes et de collections de disques, je ne connaissais cependant absolument pas Ometh, jusqu’à trouver au cours d’un voyage son album, puis dans la foulée son 45 tours (disques que je n’ai d’ailleurs jamais retrouvé sur place par la suite).

Cela m’a étonné, car tous les artistes Camerounais de cette époque que je connaissais sortaient leurs disques sur des labels ou locaux, ou Ivoiriens ou Français.

De fait, pour le Bénin, ce n’étais pas commun, d’autant plus que ces deux disques ont été enregistrés comme je te l’ai indiqué plus haut aux côtés du légendaire orchestre Béninois Black Santiago mené par Ignace de Souza, ce qui était pour moi une première dans le milieu musical Camerounais.

Par ailleurs, dès la première écoute de cet album, j’ai vraiment eu un choc (je ne sais pas si l’on pourrait parler de coup de foudre musical ?), peut-être de par la multitude des influences et genres musicaux dans lesquels il puise, se démarquant par ailleurs des albums Makossa, Bikutsi que j’avais l’habitude d’écouter.

A l’instar des 5 albums que j’ai précédemment ré édités, il m’a fait un tel effet que je me suis dit : « celui-ci aussi, il faut que j’en fasse quelque chose ». Comme je le défends depuis le début de mon aventure de ré éditions de disques, peu importe que mes projets fonctionnent ou non (enfin, pour moi, pour l’artiste bien entendu que je veux qu’ils fonctionnent !), je ne cherche absolument pas le côté mercantile de la chose, ni à flatter mon ego. Je ne recherche pas à sortir le disque ultra recherché Afro Funk du moment où je ne sais quoi, non. Il faut avant tout qu’un disque me touche, au point que cela soit viscéral de le ressortir, que le projet colle à ma démarche, dans une volonté de le partager, le faire connaître !

Je me suis alors mis en quête de retrouver l’artiste, ce qui n’allait pas être facile. En effet, je n’avais strictement aucune information sur celui-ci, hormis la maigre biographie au dos de l’album original confirmant son pays d’origine. Aussi, personne dans la communauté des artistes Camerounais avec qui j’étais en contact n’avait étendu parler de lui (pour cause, il vit en Afrique de l’Ouest depuis plus de 40 ans !).

Après un long processus d’enquête, de pistes plus ou moins hasardeuses j’ai réussi, fruit de l’association de beaucoup de chance, de hasard mais surtout de détermination et de volonté, à entrer en contact avec lui (loin de simplifier mes recherches, il a par ailleurs changé de nom de scène depuis, se faisant appeler « Teddy Mount Ometh »).

Je lui ai exposé mon projet et, passé le stade de la surprise et de l’incrédulité à être contacté par un « petit jeune » venu lui parler d’œuvres d’il y a 40 ans que lui-même ne possédait plus il a, après une période de réflexion, accepté de se lancer dans l’aventure, séduit par la sincérité de ma démarche visant à rendre à lui rendre hommage, et à donner un coup de projecteur à sa carrière afin de le faire connaître hors du continent Africain, en Europe, aux Etats-Unis et au Japon.

Dès lors, nous avons été en contact quasi quotidiennement jusqu’à la sortie de la réédition. Il était en effet pour moi fondamental de l’intégrer pleinement au processus de ré édition, dont j’ai géré l’ensemble des étapes : validation des titres, longs échanges pour me permettre de rédiger sa biographie et obtenir des documents, photos et titres exclusifs, validation de la qualité des titres remasterisés, validation des éléments graphiques et de la pochette, que j’ai intégralement conçue pour l’occasion.

(Dans le cadre de mes ré éditions, j’aime réutiliser tout ou certains éléments des pochettes des albums d’époque à titre de clin d’œil, ce qui n’était pas possible ici, le design du 33 tours et du 45 tours d’origine comportant extrêmement peu d’éléments graphiques propices à être réemployés). 

Depuis la sortie du disque il y a 2 semaines, je lui transmets systématiquement les photos et premiers retours bienveillants des auditeurs du disque, et il en est très touché ! 

 

On rappelle que 50% des bénéfices seront reversé à l’artiste et il est donc important de soutenir des labels comme le tiens. Peux-tu nous dire où on peut se procurer l’album ?
Merci de ton soutien, extrêmement touché !

Effectivement, dans la réflexion liée à cette sortie, j’ai décidé que, dans une démarche que je souhaite éthique, je reverserai dorénavant 50 % des bénéfices sur les ventes des albums réédités. Cela me semble corroborer avec la volonté plus globale de remise en lumière et conservation de ce patrimoine, pour laquelle je me bats depuis des années.

Aussi, au risque d’enfoncer des portes ouvertes, il ne faut pas oublier que sans ces artistes/groupes/producteurs, pas de ré éditions !

Et le plaisir de voir un artiste (dont trop ont souvent été oubliés avec le temps) s’émerveiller de voir l’énergie dépensée à le retrouver et à chercher à le remettre en lumière, ça n’a pour moi pas de prix !

L’album est disponible en commande sur le bandcamp de mon label (https://nangabokorecords.bandcamp.com/ ), en commande par message direct, et déjà chez de nombreux disquaires partenaires français et à l’international (on ne le dira jamais assez, mais soutenez vos disquaires de proximité, ce sont des vecteurs de sauvegarde, découverte et propagation d’alternatives musicales !).

Aussi, à ce sujet, dans le cas où certains de tes lecteurs seraient les heureux propriétaires de boutiques de disques, il est possible de passer commande auprès de mon distributeur « The Pusher Distribution » pour des tarifs boutiques.

 

Y a-t-ils d’autres projets à venir chez Nanga Boko Records ? Où parmi tes nombreux autres projets ?
Oui, je suis d’ores-et-déjà en train de travailler sur ma prochaine réédition sur mon label Nanga Boko Records ! Je ne peux t’en dire plus pour le moment, mais tu auras des nouvelles pour bientôt !

Et au-delà des ré éditions, plusieurs surprises et nouveautés qui devraient voir le jour pour bientôt !

 

Merci et suerte pour la suite!
Un grand, grand merci à toi, et toute l’équipe d’Exit Stamp pour votre intérêt et soutien à ma démarche ! Long live Exit Stamp !

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